ÉDUCATION AU RWANDA: PROGRÈS, DÉFIS ET PERSPECTIVES D’AVENIR.
Depuis la Libération du Pays en 1994, l’éducation au Rwanda a connu des transformations majeures, une mutation merveilleuse. Actuellement, étudier n’est plus l’apanage de certains nantis du pouvoir comme avant, c’est plutôt une opportunité pour tous et une obligation civique aussi. Dans cette voie de transformation, l’éducation au Rwanda est marquée, depuis spécialement 2000, par des progrès dans les infrastructures scolaires et des initiatives politiques visant à améliorer l’accès à l’éducation. Cependant, malgré ces réalisations, des défis subsistent affectant ainsi la qualité de l’enseignement et l’employabilité des diplômés. Cet article examine les avancées en matière d’infrastructures scolaires; il pointe du doigt quelques défis majeurs et explore les
répercussions de ces défis sur le marché du travail et quelques perspectives d’avenir.
I. Réalisations en matière d’infrastructures scolaires
Depuis 2000, le Gouvernement rwandais a déployé des efforts considérables pour renforcer le système éducatif. Les budgets qui ont été mobilisés et alloués dans le secteur éducatif par le Gouvernement rwandais sont colossaux et les raélisations sont vraiment celles d’Hercule! De Bweyeye dans l’enceinte de Nyungwe à Musheri sur les rives d’Umuvumba, de Mukimbiri aux bords du lac Kivu à Nyamugali sur les rives de l’Akagera, on ne peut pas parcourir 5 kms sans avoir vu une enseigne sur laquelle est inscrit le sigle G.S (Groupe Scolaire). Ces G.S. sont synonymes de 9&12YBE (9&12 Years Basic Education), une multitude d’écoles publiques construites dans la mise en oeuvre de la politique nationale, allant dans le cadre des politiques internationales inscrites successivement dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD/MDGs) et les Objectifs de Développement Durable (ODD/SDGs) dans le domaine de l’éducation. Actuellement au Rwanda, l’université n’est plus unique comme le Fils de Dieu! Selon les rapports du Ministère de l’Éducation du Rwanda, le pays comptait en 2022 près de 3.500 écoles primaires, 1.200 écoles secondaires et 50 universités [1].
Ce développement s’accompagne d’une augmentation du taux de scolarisation. En effet, le taux brut de scolarisation dans les écoles primaires a atteint 97,5 %, tandis que celui des écoles secondaires est proche de 70 % [2]. Pour répondre à la demande croissante d’établissements éducatifs, le gouvernement a construit plus de 6.000 nouvelles salles de classe depuis 2010 [3], réduisant ainsi le phénomène de « double ou triple apprentissage », où un même espace est utilisé pour plusieurs classes à cause du manque de places. De plus, le gouvernement a investi dans la formation des enseignants, et environ 60 % d’entre eux ont suivi une formation continue depuis 2015 [4], visant à améliorer leurs compétences pédagogiques.
Toutes ces réalisations rentrent dans les Plans Stratégiques Sectoriels de l’Éducation (PSSE) successifs jusqu’au denier (2018/19_ 2023/24) qui, soutiennent les aspirations du Rwanda pour sa transformation, passant d’une économie principalement agricole et à faible revenu à une nation industrielle à revenu intermédiaire supérieur d’ici 2035. Cette vision repose sur la capacité du système éducatif rwandais à produire une main_ d’œuvre suffisamment nombreuse et qualifiée, capable de réaliser cette aspiration, ainsi que de renforcer les compétences et les qualifications de la main_ d’œuvre existante.
L’impact attendu de la mise en œuvre réussie de ces PSSE est de garantir que les citoyens rwandais possèdent des compétences, des qualifications, des connaissances et des attitudes suffisantes et appropriées pour contribuer à la transformation sociale et économique continue du pays et être compétitifs sur le marché mondial[5].
II. Défis dans la mise en œuvre des programmes éducatifs
Malgré ces améliorations, plusieurs programmes éducatifs souffrent d’une mise en œuvre biaisée. L’un des enjeux majeurs demeure le système de promotion automatique, qui permet aux élèves de passer à la classe supérieure sans avoir acquis les compétences de base nécessaires. Une enquête récente du Ministère de l’Éducation a révélé que près de 40 % des élèves de la classe secondaire ne maîtrisent pas les compétences fondamentales en mathématiques et en langue [6]. Cela crée un déséquilibre entre ce que les élèves sont censés apprendre et ce qu’ils savent réellement, rendant leur passage en classe supérieure souvent injustifié et nuisant à leur préparation pour le marché du travail.
Un autre problème réside dans le système de notation. La méthode, qui se basait sur des agrégations au lieu des pourcentages, compliquait l’évaluation précise des performances des élèves. Cette méthode peut masquer certaines lacunes académiques, rendant difficile l’identification des besoins spécifiques en matière d’apprentissage [7].
Pour le système de notation, nous saluons avec satisfaction et admiration des réformes introduites par le très nouveau Ministre de l’Education, Mr. NSENGIMANA Joseph: La notation par pourcentage! Nous attendons de son équipe beaucoup de changements à commencer par de cette fameuse “promotion automatique”. Mieux serait de considérer la réussite de l’apprenant dans des matières jugées principals selon sa formation, c’est-à-dire ses connaissances acquises et non le quota ou ratio quelconque selon les chiffres que l’on veut ou tout simplement les places disponibles. Car en fait, comment peut-on laisser un enfant monter de classe avec 45% alors que sur le marché du travail, il lui faudra 70% dans les examens de recrutement? Il se pose aussi le problème de la langue d’enseignement, l’anglais qui n’est presque pas utilisé dans les écoles publiques. Les enfants qui étudient dans les Groupes Scolaires dont on a déjà parlé, disent qu’ils n’étudient jamais en anglais. Ceci va impacter leurs études supérieures et leur employabilité. Comment demander à un jeune lauréat de travailler en anglais alors qu’il a étudié presque en Kinyarwanda?
III. Conséquences sur l’employabilité
Les défis évoqués ont des conséquences directes sur l’employabilité des diplômés. Alors que le Rwanda aspire à évoluer vers un pays à revenu intermédiaire avec un secteur privé dynamique, l’absence de compétences pratiques et théoriques chez les jeunes diplômés constitue un frein majeur. Selon un rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT), près de 63 % des employeurs au Rwanda estiment que les diplômés manquent de compétences essentielles pour être opérationnels [8]. Un rapport de la Banque mondiale en 2022 a révélé que presque 60 % des entreprises rwandaises considèrent que des compétences techniques insuffisantes des diplômés constituent un obstacle majeur à leur développement [9].
En outre, la jeunesse rwandaise est confrontée à un taux de chômage élevé, et les diplômés issus du système éducatif actuel peinent à s’intégrer sur le marché du travail. En 2023, le taux de chômage des diplômés de l’enseignement secondaire atteignait environ 22 % [10].
Conclusion
L’éducation au Rwanda a indéniablement fait des progrès significatifs en termes d’infrastructures et d’accès à l’éducation. Cependant, les défis liés à la qualité de l’éducation demeurent préoccupants, en particulier en ce qui concerne les systèmes de promotion automatique et de notation, sans oublier la langue d’enseignement qui n’est pas bien maîtrisée. Ainsi, pour garantir que tous les Rwandais aient les moyens de réussir dans un monde en constante évolution, il est crucial de veiller à la qualité de l’éducation tout en maintenant des efforts d’inclusivité. Alors que le pays aspire à devenir un carrefour technologique et d’entrepreneuriat en Afrique de l’Est, ces problèmes soulignent la nécessité urgente de réformer le système éducatif afin qu’il soit mieux aligné avec les exigences du marché de l’emploi.
Références
1. Ministère de l’Éducation du Rwanda. (2022). Rapport annuel sur les infrastructures éducatives;
2. Institut National de la Statistique du Rwanda. (2022). Statistiques de l’éducation au Rwanda;
3. Gouvernement du Rwanda. (2010_ 2022). Rapport sur la construction d’écoles et de salles de classe;
4. Ministère de l’Éducation du Rwanda. (2015). Programme de formation continue des enseignants;
5. Ministere de l’Education du Rwanda. Plan Strategiqique Sectoriel de l’Education, (2018/19– 2023/24);
6. Ministère de l’Éducation du Rwanda. (2023). Enquête sur les compétences des élèves;
7. Observatoire National de l’Education. (2023). Analyse du système de cotation au Rwanda;
8. Organisation Internationale du Travail. (2023). Rapport sur les compétences des diplômés au Rwanda;
9. Banque Mondiale. (2022). Rapport sur l’éducation et l’emploi au Rwanda;
10. Institut National de la Statistique du Rwanda. (2023). Statistiques sur le chômage des jeunes diplômés.
SIBOMANA J. Bosco.